Il ressemble à une fille, ce gosse longiligne en porcelaine. Une bouche en cœur, une chevelure d’encre. Safi aurait sûrement préféré en être une. Peut-être que tout aurait été plus simple ainsi. Beau, Safi est un poème, Safi est un oiseau. Safi vole, Safi rêve. Mais il est prisonnier de ce corps d’homme. Encore et toujours. Il voudrait arracher cette peau, ces muscles. Tout serait si simple… Safi dort, et s’imagine femme. Safi se réveille, et se pleure homme. C’est sa plus grande tragédie. S’il travaille ici, c’est surtout pour payer ses études. S'il est passé de serveur à gigolo, c’est parce que sans aide, servir des verres ne paye plus assez. Et les parents renient vite un gamin homosexuel. Alors après tout, Safi qui ressemble à une fille, vend l’illusion à qui veut bien la croire. Mais qu’importe. Écarter les jambes, ou écarter celles d’une femme, il est habitué, maintenant. Non, si Safi, la nuit, se veut femme, c’est pour une seule raison. Femme, Mister D l’aimerait peut-être.
Il n’y a rien de plus idiot que de tomber amoureux d’un sale type violent et homophobe. Mais Safi est un peu idiot, même s’il préférerait être idiote.

Il a quelques amis, sa douceur et son calme lui valent d’être apprécié par beaucoup de monde à l’Ambroise, clients comme travailleurs. Mais la seule personne qui l’obsède doit à peine connaître son existence. Safi s’y fait, et se contente de rêves humides, de larmes ou autres, sachant qu’il n’aura jamais rien de plus…

Description : Anselm est un paradoxe cynique et cassant. Médecin, il vous soigne, mais vous méprise. Il sauve des vies, mais fume. La vie est une chienne, qui l’amuse au plus haut point. Sans vraiment de passions, il a fait médecine parce qu’on lui a dit de le faire –délicieuse influence parentale- et qu’il n'était pas trop bête. Ses études l’ont ennuyé, ses premiers boulots dans des hôpitaux immaculés qui puaient la maladie et l’antiseptique l’ont ennuyé, et puis, un jour, il a vu la grande baraque qu’était Ambroise et puis, un peu comme ça, il est devenu médecin. Soigner des putains, il trouvait ça drôle. Et puis, ça lui changeait des vieux ridés et des gamins hurlants. Des belles femmes avec des corps voluptueux, à soigner, c’était le pied ! Bon, il y a quelques hommes par-ci par-là, mais il s’en accommode. Anselm n’est pas bisexuel, mais presque. Et puis, parce que pour lui, c’est normal, il couche régulièrement avec tout ce qui bouge dans la maison. Il est dans une maison close non ? En plus de son salaire, une p’tite récompense peut pas faire de mal. Mais Anselm fait assez bien son travail, même s’il le fait la clope au bec, et avec un air profondément agacé. Bien sur que vous le dérangez ! Il n’a pas que ça à faire, que diable ! Soigner des gens quand on est docteur, quelle idée…